Femme et commerciale export, une mission pas impossible
#14 – Concilier carrière internationale et vie personnelle
Hello à toutes et tous !
Merci à celles et ceux qui ont rejoint la niousletteure dernièrement.
Je suis Sylvène Poncet, ex-Directrice Commerciale à l’export, aujourd’hui consultante. Je décrypte les enjeux du commerce international pour aider les PME à se développer à l’export. Je suis aussi enseignante en école de commerce et transmets aux étudiant·es ma passion pour cette carrière exaltante et unique !
Pour mes plus ancien·nes abonné·es, je suis ravie de vous retrouver après une trop longue absence.
L’année 2024 a été riche en événements : un festival de BD monté de A à Z, de nouveaux clients, de nouveaux défis… Autant dire que ma bande passante était saturée!


Bref, le temps n’étant pas extensible, j’ai dû sacrifier ma chère niousletteure. Sans arriver à retrouver la dynamique d’écriture que j’avais.
Mais me revoilà sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur :
Etre une femme commerciale à l’international, une espèce (trop) rare.
Ce métier que j’ai exercé avec passion pendant de nombreuses années et dans lequel les femmes sont trop peu nombreuses.
Où sont les feeeemmes ???
Pendant toutes mes années de voyages pro, je n’ai cessé de constater combien nous étions peu nombreuses. Je pouvais même compter sur les doigts d’une seule main celles que je connaissais personnellement.
J’aurais bien voulu vous donner quelques statistiques pour étayer mon propos. Malheureusement, impossible d’en trouver de précises.
Le tableau ci-dessous montre la répartition femmes-hommes des cadres par type de poste occupé (source : Statista 2024). On peut considérer que les commerciaux à l’international sont cadres.
Dans la fonction commerciale au global, la répartition est 35% de femmes – 65% d’hommes.
Mon expérience me fait dire qu’à l’international, cette répartition se réduit à 10%-90%. Et encore…
Pourquoi si peu de femmes dans ce métier ? Je sais par expérience (que ce soit comme jurée d’examen ou formatrice en école de commerce) qu’il y a autant, voire davantage de filles que de garçons en cursus de commerce international.
Mais une fois les études terminées, on retrouve les filles surtout dans les fonctions support, pas sur le terrain.
Manque d’ambition ? Anticipation de la difficulté à combiner vie pro et vie de famille ? Doutes sur leur légitimité ? Peur de se confronter au terrain ? Manque de soutien de l’entourage (c’est pas un métier de fille 😤) ?
Probablement un mix de tout ça… Alors que pour celles qui « osent », c’est un métier passionnant qui s’offre à elles.
La parole est aux pros ! 💪🏼
J’ai ma propre vision de ce métier, intimement liée à mon expérience personnelle. Je l’ai d’ailleurs évoqué dans quelques posts sur Linkedin.
Dans ce post (mon premier viral 😊), j’expliquais que partir en voyage pour le boulot n’avait rien à voir avec des vacances.
Ou celui-ci, dans lequel je disais ma difficulté à être prise au sérieux, quand mes prospects préféraient mater mes seins que m’écouter. Et comment j’ai réussi à gagner en crédibilité en devenant une référence technique.
Toutefois, je ne prétends pas que mon expérience personnelle soit universelle. J’ai donc interrogé d’autres femmes commerciales afin de recueillir leurs témoignages :
- comment concilier vie de famille et déplacements professionnels
- les a-priori auxquels elles ont dû faire face et comment elles y ont répondu, dans un environnement largement masculin
Chloé, Camille, Alice, Marie et Pascale (certains prénoms ont été changé) ont accepté de jouer le jeu et je les en remercie chaleureusement ! Leur ancienneté moyenne dans le métier ? 17 ans. Autant dire qu’elles ont de quoi raconter 😉
Prêt·e pour aller à leur rencontre ? 3, 2, 1, c’est parti !!
Un pied à la maison, un pied dans l’avion
Comment jongler entre déplacements internationaux et responsabilités familiales ? La question revient inlassablement.
Pour Chloé, l’organisation de la vie personnelle est un casse-tête permanent : «Enfants, conjoint, amis, sport… pas facile de tout conjuguer ! ».
Certaines adoptent des stratégies spécifiques pour maintenir un semblant d’équilibre. Marie privilégie des voyages plus longs mais moins fréquents, essayant de caler ses absences sur les vacances scolaires avec une garde assurée.
De son côté, Pascale s’appuie sur un réseau familial solide : « Mon mari, mes parents et parfois mes amis prennent le relais. » Elle considère que : « pour la vie de famille et la vie de couple, c’est positif, car c’est toujours un plaisir de rentrer à la maison. »
Camille aussi bénéficie du soutien inconditionnel de son conjoint : « il est vraiment mon pilier, nous sommes une véritable équipe ».
Certaines organisent la vie de famille avant de partir. Pour Chloé : « je préparais les tenues pour chaque jour, je m’assurais d’avoir fait les courses pour les repas et je gardais tous les RDV médicaux, coiffeurs et autres pour les semaines où j’étais là ».
Alice « […] prépare un planning pour toute la famille. Ainsi chacun sait ce qu’il a à faire ou ce que j’ai préparé pour lui en mon absence ».
Ce qui pèse le plus sur ces professionnelles, c'est souvent la culpabilité. « Partir, c’est culpabilisant pour les mères, mais valorisant pour les pères… Il y a encore du chemin à faire ! » regrette Marie.
Ce qui ressort clairement de ces témoignages, c’est la nécessité pour la plupart des femmes d’organiser la vie de famille avant leur départ afin de soulager leur conjoint au maximum. Et probablement d’alléger leur sentiment de culpabilité “d’abandonner” mari et enfants. On reste une “bonne mère” forte et investie.😒
Prendre sa place dans un univers masculin
Les femmes commerciales à l’export doivent s’imposer dans un environnement largement dominé par les hommes. Et les préjugés ne manquent pas : est-ce qu’elle s’y connait “vraiment” ? Est-elle capable de négocier ou va-t-elle s’écrouler ?
Une femme sera mise à l’épreuve bien plus qu’un homologue masculin. Lui, en tant qu’homme, part avec un apriori favorable. Il est forcément “sachant”, expert. On ne remet pas en question sa légitimité.
Pour faire leurs preuves, les femmes n’ont pas d’autres choix que d’exceller dans leurs domaines. Ce qui fait d’elles des ressources fiables et compétentes.
Camille raconte souvent surprendre ses interlocuteurs : « Au téléphone, ils s’attendent à parler à un homme… et surpriiise ! Mais au final, ils ne m’oublient pas. »
Même chose pour Alice, qui évoque l’étonnement de certains en constatant ses compétences techniques : « Un collègue m’a avoué qu’il ne s’attendait pas à ce que j’ai autant de charisme en rendez-vous. » Elle ajoute : « encore aujourd’hui, je dois sans cesse prouver mes compétences. ».
Pascale a aussi subi « les aprioris que certains ont sur les femmes dans un métier un peu technique ». Mais elle précise « au fil des années, j’ai instauré de belles relations de confiance ».
Quant aux écarts de salaires femmes-hommes, ils restent une réalité difficile à ignorer. Marie et Alice estiment cet écart à « au moins 30 % » . Pour Pascale, c’est 25%, « à mon grand désarroi ».
Un métier extra-ordinaire
Malgré ces défis, aucune d’entre elles ne remet en question la richesse du métier.
« Explorer le monde, nouer des relations solides, relever des challenges permanents. Zéro routine ! » s’enthousiasme Alice. Un sentiment partagé par Marie, qui apprécie particulièrement « les relations humaines et multiculturelles ».
Bien sûr, tout n’est pas idyllique. Chloé mentionne les réveils à 2h30 du matin pour attraper un vol, tandis que Marie déplore les effets du décalage horaire sur son rythme de vie. Elle ajoute : « allier déplacements et tâches de bureaux qu’on n’a pas vraiment le temps de traiter en déplacement. Il faut trouver le juste équilibre, sinon on se retrouve avec plus de 500 mails non traités rapidement et on peut vite être débordée ».
Mais au final, toutes s’accordent sur un point : cette profession est une source inépuisable d’apprentissage et d’enrichissement personnel. Pour Marie, c’est « un métier passionnant, une bouffée d’oxygène dans mon quotidien ».
S’éclater, sans culpabiliser
Marie appelle à un changement de mentalité : « Ce métier est passionnant, mais encore trop culpabilisant pour les mères. Trop peu de femmes sont représentées dans ce milieu et la société nous reproche de penser à notre carrière ».
Chloé affirme : « mon épanouissement personnel passe par l’exercice d’un métier passionnant même si ce n’est pas toujours simple en termes d’agenda, notamment pour les enfants ».
Pour Alice : « L’étiquette de l’éducation des enfants colle encore beaucoup trop à la femme ! Dans mon entourage proche, certains ne comprennent pas pourquoi j’exerce ce métier. »
Quant à leur performance en tant que commerciale, toutes soulignent la qualité des relations qu’elles ont su développer avec leurs clients : « plus sensible et compréhensive » pour Marie, « fiable et digne de confiance » pour Chloé, Alice et Pascale, qui se disent aussi adaptables et polyvalentes.
Leur approche commerciale est souvent différente de celles de leurs homologues masculins. Moins dans le “push”, le rapport de forces ; plus dans l’écoute, le conseil et la recherche de solution. Et les ventes n’en sont pas moins bonnes, au contraire.
Sans elles, nombre de PME n’auraient pas augmenté leurs parts de marché à l’international. Elles contribuent à la pérennité de leurs entreprises et aux emplois de leurs collègues. Ce que confirme Pascale : « J’ai été un soldat qui allait au front pour apporter des contrats, pour payer les collègues et permettre à l’entreprise de grandir sereinement. »
A celles qui hésitent encore, Pascale répond : «L’international, c’est extra ! Si vous en avez envie, lancez-vous. Il y a tellement d’entreprises françaises qui cherchent des talents pour se développer à l’export. »
Around the world, around the wooorld !
Alors, est-ce que je m’y retrouve dans tous ces témoignages ? Est-ce que je l’ai vécu de la même façon ? A votre avis…?
Oui, mille fois oui !
Ma légitimité technique inlassablement questionnée, mon “devoir” de mère qui “abandonne” ses enfants, le sexisme récurrent, la perte de lien social à cause des déplacements fréquents… tout ceci est une réalité.
En contre-partie, cette vie professionnelle m’a comblé. J’ai pu voyager (et être payée pour le faire 🤩), découvrir, échanger, nourrir ma curiosité et ma soif d’apprendre. Négocier et conclure des deals passionnants. Etre une actrice économique active et performante.
C’est une vie qui sort de l’ordinaire.
Et mes enfants dans tout ça ? Est-ce que je les ai traumatisées par mes absences répétées ? Ce sont maintenant de jeunes adultes de 19 et 25 ans et je leur ai posé la question.
Bien sûr que parfois l’absence a pesé. Mais ce qu’elles ont surtout retenu, c’est une maman épanouie, qui leur a montré qu’on pouvait être heureuse dans le travail. Qui leur a donné une ouverture au monde et aux cultures étrangères. Et ça, pour leur construction personnelle, c’est essentiel.
Ce que confirme Chloé : « Ce travail offre sans aucun doute à mes enfants une perspective internationale enrichissante et une vision diversifiée du monde ».
Alors oui, les mentalités doivent changer. Mais surtout, les femmes doivent apprendre à mieux respecter leurs désirs, à arrêter de se soumettre aux injonctions de ce que doit être une “bonne” conjointe et mère.
Alors :
à celles qui ont envie de se lancer mais qui n’osent pas
à celles qui se disent que ça va être compliqué
à celles qui ne se pensent pas légitimes
à celles qui sont commerciales mais qui doutent devant la charge familiale
Faites-vous accompagner ! Ne restez pas seule.
Choisissez une mentor avec qui échanger, qui vous conseille et vous rassure. Et ne remettez jamais vos choix en question sous la pression extérieure. Que vous choisissiez de changer de métier ou de continuer, c’est vous qui décidez de ce qui vous rend heureuse et vous épanouit ! 🥰
Alors, mesdemoiselles, mesdames, prêtes à relever le défi et partir explorer le monde ?
J’espère que cette nouvelle édition de la niousletteure vous a plu. Si vous pensez à des personnes qui pourraient être intéressées, n’hésitez pas à la partager.
N’oubliez pas le petit cœur et laissez-moi un commentaire, je suis toujours très heureuse d’avoir vos retours.
A très vite ❤️
Sylvène
Ravie du retour de ta niouse !
Perso, j'ai choisi la fonction support parce que je n'ai aucune appétence pour la fonction commerciale :-) un vrai choix de coeur pour moi de même que celui de me séparer de mes enfants le moins possible (et en même temps, je ne les ai qu'une semaine sur deux ! :-D) je n'ai donc pas le sentiment que ce choix m'ait été imposé par quiconque d'autre que moi-même et ça devrait être le cas pour chacune d'entre nous, alors merci pour ces partages !
Contente de retrouver la newsletter ! Ton énergie et ta bonne humeur m'ont manqué ! Tellement vrai tout ça, encore aujourd'hui, encore plus lorsque j'ai commencé ... et choisi la fonction support pour toutes les raisons listées ici