Nuls à l'export, les Français ?

Niousletteure #4 - Entre mythe et réalité

oct. 13, 2023

Ami.e lecteurice, bienvenue dans ma niousletteure « 🌍Exporter, même pas peur ! »

Temps de lecture : 5 minutes, 98 secondes, 72 dixièmes

Il paraît que les français sont pas bons à l’international. C’est pas moi qui le dis, c’est … à peu près tout le monde.

Notre Ministre actuel chargé du Commerce Extérieur, Olivier Becht (je suis sûre que vous l’aviez 😉) l’a dit en août dernier : « Trop d’entreprises ne vont pas à l’export ».

C’est comme dans le sport. En France, on aime bien dire que nos champions craquent toujours dès que l’enjeu est important. Qu’ils ne sont pas capables de remporter de gros challenges.

Pour l’international ce serait pareil. Il paraît qu’on n’est pas bons. Alors, mythe ou réalité ?

Je vous propose d’explorer le rapport qu’entretiennent nos entreprises, grandes et petites avec le commerce international.

Le sujet est vaste et passionnant. Impossible à traiter en une seule niousletteure. Je vais donc y consacrer plusieurs éditions.

Alors commençons par… le commencement. Pour savoir si nos entreprises sont si mauvaises que ça à l’export, il faut parler chiffres, faits.

Et d’abord, comment ça se mesure, un pays qui est « bon » ou « mauvais » à l’international ?

La balance commerciale … ou les chiffres qui font mal

Les échanges internationaux sont mesurés dans ce qu’on appelle « la balance commerciale ». Cette balance est un élément de la comptabilité nationale.

Quatre catégories rentrent dans cette balance, dont deux principales qui sont :

➡️ Les marchandises

Composés des produits finis (boissons, cosmétiques, vêtements) et des matières premières (pétrole, métaux, sable…)

➡️ Les services

Tourisme et transport de marchandises essentiellement

Les deux autres catégories sont purement financières, de moindre volume. Notamment la balance des revenus comptabilise les salaires des expatriés ou les revenus des investissements à l’étranger.

Pour chaque catégorie, on mesure la valeur de ce qu’on exporte et ce qu’on importe, et on fait la différence.

Alors, à votre avis, on est comment pour chacune de ces catégories ?

❌ Les échanges de marchandises, c’est la cata !

2022 a marqué un déficit record à -163 milliards d’Euros.

Dans le graphique ci-dessous, on voit qu’on importe (courbe jaune) beaucoup plus que ce que l’on exporte (courbe verte).

La faute surtout à l’augmentation de nos achats d’énergie. Beaucoup de centrales nucléaires étaient à l’arrêt et la France a dû importer du gaz. Le prix du pétrole quant à lui s’est envolé. En 2023, cet écart se réduit.

On remarque aussi dans ce graphique que jusqu’en 2004, la France exportait plus qu’elle n’importait, notre balance était positive (courbe rouge).

Source : Insee

✅ Pour les services, on est très bien

Le pays est excédentaire de + 50 milliards d’euros.

Le transport maritime y a largement contribué. Profitant du rebond post-Covid, le groupe marseillais CMA-CGM, numéro 3 mondial, a explosé son chiffres d’affaires (74 milliards de dollars 😲) et ses bénéfices.

Ensuite, le tourisme. Depuis plus de 20 ans, la France est et reste la première destination touristique mondiale. Certainement dû à la qualité légendaire de notre accueil 😉

✅ Balance des revenus, +30 milliards d’euros

Malgré les excellentes performances des services et des revenus, leurs excédents ne contrebalancent pas le poids écrasant de la balance des marchandises et son déficit abyssal.

Au final, en 2022, la France était déficitaire de 54 milliards d’Euros 📉

Pourquoi cet écart de performance entre marchandises et services ?

Comme je disais plus haut, notre balance commerciale est chroniquement déficitaire depuis 20 ans.

La raison est bien identifiée : c’est la conséquence de la « mondialisation heureuse ».

Cette mondialisation qui a poussé les entreprises à délocaliser leurs productions dans des pays à faible coûts, donnant par là même accès aux consommateurs à des produits à prix toujours plus bas.

Or la désindustrialisation massive du pays nous a assujetti aux importations.

Sans compter notre perte de savoir-faire et notre totale dépendance à la fourniture étrangère de produits stratégiques (coucou Doliprane et semi-conducteurs).

On réalise maintenant que la France ne peut pas être qu’un pays de tourisme et de loisirs !

Et les copains européens, ils sont comment ?

Vous me direz « ok, mais c’est normal que la Chine exporte plus que nous, c’est l’usine du monde ».

Certes. Mais on explique comment les performances de nos voisins européens ?

Et là, c’est le graphique qui fait mal…

Les 7 premiers pays ont une balance positive. Tandis que la France arrive derrière la Grèce et la Roumanie en termes de déficit 😱

Je ne vais pas détailler les raisons du succès allemand. Juste mentionner la principale : l’industrie. Au contraire de la France, les allemands ont gardé leurs usines chez eux.

Tandis que la part de l’industrie dans le PIB (la richesse produite par un pays) est tombée à moins de 10% en France, elle est de 24.2% en Allemagne et 19.6% en Italie. No comment…

Nuls ? vraiment ?

Certes, notre déficit commercial est énorme. Ça veut dire qu’on IMporte plus que ce que l’on EXporte. Mais ça ne veut pas dire qu’on n’exporte pas du tout.

La France reste dans le top mondial des exportateurs. En 2022, nous étions classés 6^ème exportateur mondial, produits et services confondus. Loin d’être ridicule.

6ème exportateurs mondiaux, on est plutôt bons alors ?

Oui… mais non. En fait, les disparités sont énormes. Les LVMH, Airbus et autres Dassault sont les arbres qui cachent la forêt.

Ces très grands groupes représentent 0.5% des exportateurs en nombre, mais 52% en valeur !

Nos petites et moyennes entreprises n’exportent pas, ce n’est pas dans leur ADN.

Si l’on compare avec nos voisins d’outre-Rhin, les chiffres sont éloquents : 363 000 sociétés allemandes exportent, contre 144 400 françaises.

Pourquoi nos PME sont-elles davantage tournées vers le local que l’international ? Quelles sont nos barrières, nos freins ? Comment s’en guérir ?

C’est ce que nous verrons dans la prochaine niousletteure.

Si tu as aimé cette 4^ème édition, un p’tit cœur me fera très plaisir. N’hésite pas à me laisser un commentaire, qu’il soit dans cette niouse, ou par message privé sur LinkedIn par exemple.

A très vite pour la niousletteure #5 ❤️

Sylvène